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À la même période mon frère reprend contact avec moi. Ça fait 5 ans qu’on ne s’est plus revu, et 2 ans qu’on ne s’est plus parlé au téléphone. J’avais douloureusement fait le deuil de lui en tant que frère et j’avais accepté qu’il choisisse de ne plus faire partie de ma vie, ce détachement là je l’ai vécu comme un vrai deuil jusqu’à l’acceptation et depuis à vrai dire je pensais rarement à lui. Les premiers échanges se font par sms, il aimerait venir quelques jours chez nous et comme nous n’avions plus grand-chose à nous dire je n’ai pas très envie de faire de la «politesse familiale». Ce n’était pas quelqu’un qui parlait vraiment de lui, il n’était pas présent ni à lui même ni aux autres, et pourtant quelque chose en moi me dit d’accepter. Après quelques jours de je-ne-sais-pas, j’ai-pas-très-envie et ce truc en moi qui m’ordonne presque d’accepter, j’accepte.
A la même période également, de temps en temps, j’entends distinctement pleurer en moi. La première fois j’ai cru que c’était quelqu’un derrière moi, mais j’étais seule à la maison. En y réfléchissant je ne pleure plus depuis longtemps, et depuis à peu près le début de l’année, le mot autiste me tourne autour. Par exemple en observant une personne je me dis qu’elle a un comportement d’autiste, ou même moi enfermée dans ce mutisme. Ou encore je tombe sur des titres d’articles sur le Net traitant de personnes autistes. Je ne connais rien aux différents types d’autisme, je n’ai jamais approfondi mes connaissances sur le sujet probablement parce que je n’ai jamais connu ou côtoyé d’autiste. Alors pourquoi ça revient régulièrement ? Même ce que je lis sur le dico des malaises et maladies ne me parle pas (pourtant à la relecture quelques mois après, je me rends compte qu’il y avait des similarités avec ce que je traversais même si je ne suis pas autiste. J’ai recopié ces similitudes momentanées de comportements).
- Autisme : est le refuge ultime de faire face à la réalité physique du monde extérieur, ce qui amène une forme de repli sur mon monde intérieur où règnent l’imaginaire et les fantasmes.
Je fuis une situation ou mon entourage parce que j’ai trop mal, ou parce que je vois ma sensibilité bafouée [ce que je vis avec Georges dans cette absence de communication].
Je me réfugie dans un mutisme qui représente pour moi la seule façon de m’en sortir…
Je peux vouloir éliminer de ma vie une ou des personnes, et je les ignore, je fais comme s’ils n’existaient pas….
C’est comme si ma parole était piégée en moi, car je voudrais dire les choses, mais la pression que j’ai [que je me mets pour être entendue] est tellement grande que je préfère garder le silence…
Ce que j’ai retenu qui me concerne est surtout lié à la parole, la difficulté de l’exprimer.
Donc là en février-mars il y a ces pleurs que j’entends en moi, et «autiste» qui me tourne autour. Est-ce que c’est lié ? Je n’en sais rien du tout. Je ne suis pas quelqu’un qui retient les larmes, pour l’avoir vécu de nombreuses fois, j’en connais les vertus libératrices même si je n’ai pas toujours su poser des mots sur ce que je libérais. Et là je n’y arrive pas, je n’ai même pas envie de pleurer, j’entends les sanglots à l’intérieur de moi comme si ce n’était pas moi. Un alter autiste qui a besoin d’être reconnu ?
Ça me parle l’alter qui tape à la porte, mais je l’envoie balader ! Trop de choses à gérer, mon frère qui re-débarque, Georges qui va partir à Bali, et cette mémoire père-fille entre lui et moi (je ne comprendrais que plus tard par Jénaël dans une vidéo, la différence entre mémoires et archétype de mémoires).
Mars jusque mi avril, plus Georges prépare son voyage, plus ma soi-disant peur qu’il prenne l’avion s’amplifie (projection de ma phobie sur lui), je réalise que j’ai surtout peur de devoir gérer le quotidien pendant deux semaines sans lui, ce qui confirme une mémoire (ou plutôt archétype de mémoire) père/fille. Je ne sais pas comment aborder le sujet avec lui et pour ne pas perturber ses préparatifs je ne dis rien, mais je génère une tension tout de même parce que la veille de son départ chez un de ses frères avant de prendre l’avion, il fait une «gastro» (et il aura quelques jours de tourista pendant son séjour balinais). Il décide de partir quand même. Le jour de son départ, dans la soirée les cadres photo «masculin» + «masculin-féminin» tombent à nouveau…
Mon frère arrive trois jours après pour passer le week-end de Pâques à la maison. J’étais très sur mes gardes à l’idée de le revoir, comme dit plus haut, j’avais fait le deuil de lui en tant que frère, mais j’avais dit oui à l’injonction intérieure de prendre ça comme une expérience, «tu verras où tu en es puisque le passé ressurgit dans ton présent». De fait je ne l’ai pas accueilli comme un frère, je ne sais pas comment dire... il n’y a pas eu de sa part ni de la mienne d’embrassades larmoyantes, de «tu m‘as manqué, ça fait tellement longtemps». Ça a contribué à me rassurer.
On a passé trois jours à parler beaucoup, à se mettre à jour sur nos parcours respectifs depuis 5 ans. Il est devenu beaucoup plus bavard, non pas en conversations superficielles, il se livre, les épreuves qu’il a traversées l’ont un peu métamorphosé, il y a une ouverture d’esprit que je ne lui connaissais pas qui me permet d’aborder certains sujets, les prises d’énergie, les mémoires qui remontent, les synchronicités, j’aborde les sujets en fonction de ce qu’il me raconte en faisant gaffe à ne pas faire d’ingérence. Par exemple j’ai évoqué la prédation lors d’une discussion où il me disait que pendant des années ce n’était plus lui aux manettes de sa vie, et tout de suite j’ai senti qu’il ne «captait pas», un refus intérieur, peu importe. On a beaucoup parlé d’alimentation, il est végan depuis 4-5 ans, nos visions et prises de conscience sur ce point sont diamétralement opposées. On tombe d’accord, il fera les courses dont il a besoin et se fera à manger lui même, il a l’habitude me dit il, donc peu importe. Presque en même temps on s’est dit que si demain on ne devait plus se revoir ça ne nous poserait pas de problème, il était sincère, dans un vrai détachement. Bref, trois jours agréables, sans lourdeur, je ne sens que très peu de prise d’énergie. Alors pourquoi ce retour ? Il y a bien une raison derrière la raison ?
Il y a quand même deux trucs pas anodins pendant son séjour qui se sont passés. Un après midi nous partons vers une ville du coin pour visiter le quartier moyenâgeux pittoresque autour de la cathédrale quand Léo nous appelle inquiet, il y a un gros orage avec pluie et grêle et de l’eau commence à rentrer dans le garage. Je lui dis de ne pas s’affoler, les pluies d’orage étant intenses mais courtes ça va s’arrêter vite, et puis nous à 25 kms de là on n’a rien à part quelques nuages. On continue la promenade. Dix minutes plus tard Léo rappelle, là il y a de l’eau dans le garage + +, dans les WC et ça commence un peu dans la salle de bain, les fuites viennent de la toiture. On rentre.
En effet en arrivant on constate la couche de grêle sur les bords de la route, et l’eau dans la maison, surtout le garage et les toilettes, l’orage a été court mais violent. On éponge, on balaie l’eau du garage vers l’extérieur, et me vient la pensée que les larmes que j’entends et n’arrive pas à exprimer, c’est la maison qui les a «versées» pour moi dans le garage (l’endroit chez nous où l’on stocke divers objets, le lave linge heureusement posé sur une palette, le bois de chauffage…) et les WC (l’endroit où l’on élimine). Donc « la maison a pleuré », ce que je n’arrive pas à faire. Manifestation de l’alter autiste ou de la relation Georges-Muriel qui semble s’enliser ? A la relecture, je me demande pourquoi ces deux pièces, celle où l’on stocke et celle où l’on élimine, comme un équilibre entre les deux à trouver...
Fin avril Georges rentre, on arrive à parler un peu. Il avait besoin de partir, de respirer, de se retrouver face à lui même. J’admets que je suis trop souvent dans un «vouloir qu’il change», lui me dit qu’il est dans une quête mais qu’il veut le faire à son rythme, prendre des infos, il est conscient qu’il a à lâcher de vieux programmes. Je lui parle de la sensation de mémoires communes père-fille en lui expliquant ma peur de ne pas assurer pendant les deux semaines où il est parti, plus forte que ma peur qu’il prenne l’avion. J’évoque, parce qu’on en a parlé avec mon frère, le schéma de sauveuse sur lequel je ne me suis pas vraiment penché, et ma difficulté à laisser vivre les gens de mon entourage proche comme ils l’entendent jusque dans leurs «erreurs», ce sont pourtant toutes les «erreurs» que j’ai vécues qui ont été porteuses de leçons (et pas des moindres).
Cette «mémoire» père-fille peut sembler paradoxale avec l’alter «sauveuse-maman-poule» qui déborde... nous sommes bien multiples, fractionnés ! Et à ce propos j’avais été rassurée lorsque j’avais entendu Jénaël dire qu’une vie ne suffisait pas pour réunir ou rassembler tous nos alters. Moi aussi, comme Hélène à une époque, J’ai le sentiment que je ne serai jamais prête à temps.
Les deux premières semaines de juin, mon frère est à la maison, on passe beaucoup de temps ensemble, à parler, se balader. Nous n’avons pas vécu ensemble depuis très longtemps deux semaines d’affilée, et j’étais inquiète avant son arrivée. J’ai très vite compris pourquoi. Toutes les conversations que nous avons eues, même celles qui semblaient les plus anodines ont été pour moi des leçons que je prenais sans avoir besoin de recul, un effet miroir permanent qui a mis à mal principalement ma suffisance, mon orgueil et l’alter «sauveuse maman poule» que je croyais bien désactivé avec lui depuis longtemps.
Deux exemples. Il me parle de son ex compagne, ils sont séparés depuis le début de l’année après 25 ans de vie commune. Elle et moi avons été amies proches, très très dans le new âge au cours de longues conversations quand on se voyait, beaucoup de nourriture pour nos prédateurs respectifs quand je croyais à une nourriture pour nos âmes, mais à l’époque je n’avais conscience de pas grand-chose. Et puis les premières lectures du dialogue avec notre ange et ensuite du réseau Léo m’ont fait prendre un grand virage nécessaire par une multitude de prises de conscience et de remises en question en profondeur, mais elle ne le savait pas. Nous échangions encore par mail et petit à petit je ne pouvais plus répondre à ses «attentes», si bien qu’un jour je lui ai parlé de là où j’en étais, envoyé tous les liens de vos sites, mes lectures (Anton Parks, Castanéda, Laura Knight…).
Nous avons eu des échanges plus espacés, puis plus rien. Ce que je n’avais pas vu c’était ma façon de lui répondre, et c’était l’objet de cette conversation présente. J’ai appris qu’elle s’était sentie jugée, presque rejetée, comme si j’avais tout compris et pas elle, que j’avais réponse à tout. J’ai su tout de suite pourquoi, pas eu besoin de faire un effort de mémoire, tout me revenait (et j’ai eu confirmation en retrouvant plus tard certains de nos échanges). Lui, pendant toute cette époque, suivait ça de loin, pas vraiment concerné, et là en en parlant je voyais bien qu’il n’y avait aucun reproche, pas de compte à régler par personne interposée. Prendre sa prétention, son sentiment de supériorité en pleine figure par quelqu’un qui n’a même pas conscience du miroir qu’il me tend c’est un truc d’une «violence» pour le prédateur ! (j’en ris en l’écrivant), d’autant que je ne peux pas me mettre en colère, crier à l’injustice, à l’incompréhension tellement je sais que cette posture serait ridicule. Et puis il y avait le miroir derrière le miroir... j’étais pareille avec Georges, avec Léo, là dessus et sur d’autres sujets !
Une autre fois, un matin, il décide de faire un gâteau, il a une recette qu’il veut faire depuis un moment, mais il me dit ne pas être doué en pâtisserie, je propose de l’aider, il accepte. Et je me retrouve en chef pâtissier avec son apprenti, on va faire comme si, on va faire comme ça... Bien sûr il pointe ça du doigt en m’envoyant balader gentiment. Je n’ai pas pu me vexer parce qu’encore une fois j’ai vu tout de suite la «maman poule» qui n’a pas attendu qu’on l’appelle à l’aide (des fois qu’on n’ait pas besoin d’elle !), et en simultané je me suis vue, quand il partait se promener seul, lui faire des recommandations sur la façon de conduire sur des petites routes de campagne (parce que lui ne sait pas, il est de la banlieue parisienne n’est-ce pas !). Pendant qu’il cuisinait son gâteau en espérant bien qu’il me demande de l’aide histoire que alter et prédateur soient contents, j’essayais de lire un bouquin, surtout je me demandait pourquoi j’avais ce comportement encore de grande sœurs-substitut maternel-sauveuse avec un frère que je ne considérais plus comme tel, de qui je prétendais être dans un total détachement ??? C’est quoi cet embrouillamini ? En remontant dans le passé je réalise qu’il ne m’a jamais demandé de le sauver, selon les épreuves qu’il a traversées, je me suis mise en devoir de, ou alors une tierce personne me demandait de. Lui jamais. J’ai remarquablement joué le rôle de sauveuse, mais pourquoi encore maintenant alors que personne ne me demande rien ?
La réponse est claire, cela n’a rien à voir avec la personne qui est devant moi, ça pourrait être n’importe qui... non ce n’est pas tout à fait vrai, il a été mon petit frère, comme Léo est mon adolescent, comme Georges a été mon mari et est désormais mon binôme. C’est le «mon», ce vieux truc d’appartenance et tout ce qui va avec qu’on me remet devant les yeux, et ça se reproduira tant que je n’aurais pas appliqué la connaissance au quotidien. Pendant ces deux semaines j’ai pu mesurer l’ampleur de MA prédation et simultanément son rôle d’enseignant.
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