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C'est l'histoire d'une querelle familiale pourtant partie "d'un bon sentiment" !
Mon neveu de 5 ans vient chez moi et me dit avec un grand sourire : “ Marraine, j’ai 3 prénoms ! Je m’appelle I. Max Michaeli !”
Mon frère me regarde fièrement, je reconnais le prénom de mon père en kirundi et celui d’un ami de mon frère décédé jeune dans un accident de la route, Maxime.
Je ne sais pas quoi dire, je n’ai pas envie de “casser la vibe”, ils sont tous les deux si contents, mais je ne veux pas non plus encourager cette programmation, bien qu’elle soit inconsciente et dissimulée sous des “traditions” et autres “hommages à la mémoire de” !
Je lâche quand-même quelque chose sous la forme d’une question sur l’éventualité que l’on cesse un jour, de “charger” les enfants en les alignant de la sorte.
Mon frère ne relève pas. J’aurais sûrement mieux fait de me taire, mais c’est trop tard.
Deux jours plus tard, je me lève et remarque sur mon front une tâche blanche. Je connais bien ces tâches, elle apparaissent puis disparaissent régulièrement de mon front depuis mon adolescence.
Cette dépigmentation raconterait : “J’ai l’impression de ne plus avoir d’identité, je n’ai pas de sentiment d’appartenance face à ma famille” “je voudrais disparaître, passer inaperçue”.
Quant au front : toujours dans le dico des malaises et maladies de J. Martel, je lis : “peur/culpabilité par rapport à mes propres opinions, difficultés à les assumer pleinement sachant que je risque de déranger mon entourage”.
Le soir venu, l’histoire des prénoms d’I. trotte dans ma tête et mon prédateur me suggère d’appeler mon frère pour le rassurer.
Je prends donc mon téléphone et commence :
“Tu sais, au sujet des prénoms, il ne faut pas t’inquiéter, moi par exemple, j’ai “Sophie” comme deuxième prénom (prénom de notre grand-mère) et je porte à mon avis certaines de ses mémoires, tu te souviens qu’elle nous racontait comment elle avait toujours subi la loi de son père puis celle de son mari, et bien, à moi de les conscientiser et...”
Tout à coup, le prédateur de mon frère prend les commandes et me lance avec un ton incroyablement aggressif et super énervé, un ton et une énergie qui ne sont pas ceux de mon frère habituellement, ou en tous cas, que je n’avais encore jamais perçus :
“Eli ! Pourquoi faut-il que tu cherches toujours à tout comprendre, de toute façon on n’en sait rien et on n’en saura jamais rien, on n’aura jamais aucune certitude ! Moi j’ai donné ces prénoms à mon fils pour rendre hommage, et I. est super content de s’appeler Max. Moi je suis un observateur de la vie tu comprends et je vois que tout va bien, tu comprends ? J’ai l’impression que tu ne sais pas profiter de la vie et je m’inquiète pour toi !”.
Alors qu’il parle, je me décompose... je ne l’interromps pas, je ressens de la peur ! Je commence à avoir super mal au ventre, je n’ai qu’une envie c’est de raccrocher, ma gorge se serre et je sens les larmes monter.
Je réponds :
”et bien c’est très bien, je propose que nous cessions tous les deux de nous en faire pour l’autre, sache que je vais très bien et que je profite de la vie comme tu le suggères, seulement je ne vois pas la vie comme toi. Allez, à plus tard ! ”
Une fois raccroché, je suis restée au moins 5 minutes en état de choc, appuyée contre mon frigo, en tremblant, à laisser couler les larmes et attendre que ça passe.
Cette rencontre avec son prédateur fut terrible et à la fois super puisque je compris plusieurs choses :
D’abord, comme le raconte François Y. dans son dernier partage :
L’ingérence, c’est pas une bonne idée ! Mon prédateur m’a bien eue ! Je me suis retrouvée à vouloir contrôler mon frère, à vouloir l’aider, lui faire entendre quelque chose que je jugeais important ! Quelle perte d’énergie ! J'oublie de dire que mon frère s’appelle “déni” !
Ensuite, cela m’a permis de conscientiser des mémoires en rapport avec la culpabilité liée à une différence de vision du monde et au sentiment de ne pas faire partie de ma famille biologique.
Enfin, cette aventure me permet de constater avec lucidité à quel point l’attachement est un formidable canal pour la prédation.
Alors je dirais : Que la force soit avec nous pour perséverer dans nos voies même si l’on a parfois l’impression d'être bien seul sur son chemin !
Eliane Gakobwa
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