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Automne 2017, la MJC de notre ville organise pour la période des vacances scolaires un voyage à Paris avec visites de différents hauts-lieux touristiques.
Trois de nos quatre enfants sont susceptibles d’y participer. Toutefois pour des raisons financières (et notre peur du manque) seul Dayan notre 3e enfant est inscrit au voyage, les deux ainés participants déjà au projet de voyage de la MJC aux Etats-Unis, prévu en été 2018. Cela représente déjà un gros budget à prévoir. Les préparatifs du voyage de Dayan vont bon train. Et Maéline évoque à demi-mots son désir de participer au camp de Paris. Nous lui rappelons le budget conséquent pour les Etats-Unis et sans s’en rendre compte, notre culpabilité de lui dire NON commence à se mettre en place.
L'avant-veille du départ, le responsable du groupe nous contacte car une dernière place est disponible et Maéline est la bienvenue. De plus tout son groupe de copines sera présent à ce camp. Il la connait depuis ses 6 ans. Elle fréquente la MJC et le centre de loisir tout au long de l'année. Elle est une participante active des actions menées par le groupe des jeunes pour la réalisation de projets communs.
Face à la proposition de l'animateur, appuyé cette fois par notre programme de culpabilité et l'espoir de notre fille à pouvoir y aller, nous trouvons la solution pour lui permettre d’y participer.
Tiens, elle est d'accord... Mais elle fond en larmes…
Maéline est pleine de culpabilité en envisageant ce voyage plaisir (parfait miroir à notre propre culpabilité de ne pas accéder à lui donner les moyens de ce plaisir...).
A ce moment-là, je ressens la nécessité de préciser avec elle un point qui me tient vraiment à cœur. Maéline a une difficulté majeure à se donner le droit d'accéder à quelque chose qui lui fait plaisir. De plus, elle met quasi systématiquement en place un auto-sabotage surprenant pour se faire payer de s'être donnée le droit d'avoir approché ce plaisir.
Je dois être honnête, en toute conscience je sais parfaitement au fond de moi d'où ça lui vient, qui a bien pu lui transmettre ce programme... Je suis moi-même en grande difficulté pour accéder à des choses me faisant plaisir sans m'auto-saboter ou le payer de multiples façons. Alors là, je veux lui (à moi ?) éviter que ce programme ne se mette en place chez elle (à défaut d'arriver à le traiter chez moi bien sûr).
Une grande discussion a lieu avec moultes anticipations, demandes, conseils, encouragements, un florilège de recommandations pour prévenir le démarrage du programme à son retour. Engagement est pris de sa part, me voilà rassuré. Avec tout ça, je ne devrais pas revoir ce programme de sitôt ! Il faut qu’elle profite de son voyage sans prise de tête à son retour.
Habituée, elle a tôt fait de préparer son sac, toute réjouit à l'idée de partir s'amuser.
Vacances se passent... et se terminent...
Voilà une semaine que le rythme habituel a repris. Ecole, activités, devoirs...
Tiens, devoirs ? Ah oui, c'est vrai, Maéline doit faire son rapport de stage en entreprise d'avant les vacances. Voilà, mais la semaine passe. Le weekend précédant le rendu de ce travail rien n'est encore fait.
A l'évocation du travail non anticipé, ça y est, je ne le vois pas encore, caché jusqu'à présent, mais il est là, il se met en place. Et à l'instant même, moi aussi je plonge !... Mon Programme ! Celui que j'avais tant voulu éviter !
Maéline part dans un couplet d'auto dévalorisation : " Je ne sais pas faire, je n'y arrive pas, je ne sais pas quoi mettre,... je suis nulle...". Christine fait tout pour composer avec ça. Avec toute la difficulté que cela représente de ne pouvoir aider la personne à sortir de là. Pourquoi donc Christine ne veut-elle pas mettre en route son programme sauveur pour l’aider, plutôt que de lui exprimer sa colère ce qui m'éviterait d'y aller...
Je suis allongé dans mon lit et perçois à distance ce qui se passe. Je ressens un agacement qui grandi, de la culpabilité de ne pas être dans l'interaction. Je ne comprends encore pas vraiment qu'est-ce que tout cela signifie pour moi, qu'est-ce que cela me fait toucher chez moi ?
N'en pouvant plus, au bout d'un temps interminable de 5 minutes, je descends m'incruster dans cette conversation. Ne demandant pas mon temps de parole, je me mets à interpeller Maéline avec de la colère dans la voix. Christine tente de me dissuader d'intervenir, mais je ne l'entends pas comme ça.
Je reviens sur le moment précédant les vacances, on (je) avait décidé que cette chose-là n'apparaitrait pas ! On (je) avait discuté et on (elle) s'était engagée à ce que ça ne se passe pas. Au fond de moi je boue, comment ose-t-elle ?? Je ne voulais pas voir ça. Ce n'est pas normal. Puisque c'est comme ça, que l'engagement que je lui avais fait prendre n'a pas tenu, c'est FINI ! Je m’entends lui dire que je ne lui permettrais plus, dans ce que je peux faire, d'accéder à un autre plaisir similaire !
Elle reste prostrée, en mode pleurs devant nous. Je sens chez moi maintenant énormément de colère. Et en plus elle s'attaque les doigts ! C'est profondément agaçant ! (je suis depuis plus de 40 ans onychophage... "en-écho-phage, je m'attaque moi-même...).
Christine ne supportant pas ce comportement lui tape les doigts pour la faire arrêter. Là Maéline se met à pleurer plus fortement invoquant une très forte douleur (bien sûr pas celle de la main mais celle de son émotion à ce moment...) et s'accroupie, "pliant" sous cette douleur.
Je ne supporte pas ce tableau, j'exige qu'elle se lève et manifeste un autre comportement. Je m'entends hurler sur elle. Je ne parviens pas dans ces moments-là à faire le pas de recul nécessaire pour ne pas être instrumentalisé par nos prédateurs qui s'en donnent à cœur joie pour faire se cogner leurs pions entre eux, se repaissant de ce repas d'émotions, de souffrances, que nous sommes tous en train de leur servir. Je suis comme emporté. Je sens une grande violence qui ne passe pas à l'acte mais est bien présente au fond de moi. Quelle mémoire suis-je aussi en train de visiter ?
A un moment, Maéline va se moucher. Pendant cet instant, car l'injonction est de revenir "discuter", Christine m'interpelle. Elle a fait LE pas de recul qui permet de commencer à comprendre ce qui se joue. En fait, comme elle, je ne supporte pas que les choses ne se soient pas passées comme je l'aurais voulu, comme je pensais que cela devait se passer (voir le témoignage de Christine Le cocktail de la prédation). De plus, par l'effet miroir, cela me met face à ma propre difficulté à accéder au droit « d' expériencer » des moments de plaisirs.
De part nos dernières expériences et prises de conscience, je percute tout de suite ce qu'elle veut me dire.
En "tombant" sur Maéline, je ne me permets pas d'accepter et de libérer mon alter souffrant, empêtré dans ses interdits. Je veux fuir ou faire fuir la partie de moi qui est bloquée dans une autre ligne temporelle dans cette impossibilité. Je la rejette, elle vient me déranger et lui exige de ne pas manifester cet aspect de moi !
Je suis alors un peu sonné en réalisant où je me retrouve.
Je choisis alors de reprendre en conscience mon paquet. Lorsqu'elle revient, j'exprime à Maéline que ce qui me fait réagir aussi "fortement", est ce que son vécu renvoie chez moi.
Je choisis aussi d'accepter à ce moment-là, que ce que j'avais tant voulu éviter puisse se produire. Je me suis aussi donné le droit de prendre Maéline (et moi) dans les bras.
Plus tard, en échangeant avec Christine, je suis complètement bluffé de ma propension 3D à responsabiliser l'autre de l'audace de la mise à jour de mes propres programmes. Comment mon prédateur utilise ma facilité de fuite pour mettre en route la machine à fabriquer des émotions en regardant d'abord l'insupportable chez l'autre sans me rendre compte que c'est la propre image de ce que j'ai à revisiter chez moi qui m'est renvoyé.
Je te remercie Maéline.
Stéphane H (inscrit au cénacle - Dépt 74)
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